Lettre de suicide du Président

C'est bizarre, je trimbale une plume d'une main tramblotante sur une feuille de papier pour écrire une lettre de suicide et je me sens plus fier que lorsqu'on me passait l'écharpe obliquement de l'épaule à la hanche opposée. Pour la simple et bonne raison que depuis que j'hérite du trône de la magistrature suprême, c'est pour la première fois que je m'exprime vraiment librement, sans que l'on ait à me dire que dire, comment dire, quand et où dire, c'est pour la première fois que je parle avec mon coeur et non avec mes ambitions.

Je n'ai jamais espéré m'adresser au peuple haïtien en ces termes, mais l'heure est venue de m'avouer vaincu. Je n'ai pas échoué, je n'ai tout simplement jamais eu la mission de réussir . 

J'ai accepté un mandat pour diriger le pays et du coup j'ai signé un contrat avec l'insomnie, l'amertume et la honte. Avant d'être président, je suis un père de famille, et je ne vois pas comment mes enfants pourraient réussir dans un pays comme celui là, où l'université, centre de recherches et développement, ne figure pas dans le budget national. Je suis conscient que ce plus d'un demi-million de dollars perdu près des frontières par les contrebandiers pourrait servir la population, mais je n'y pouvais rien. 

Il n'y a pas l'ombre d'un doute que la médiocrité prime, bons nombres de directeurs généraux et ministres peinent à lire passablement, (Je n'ai rien de personnel contre Timoléon) 

Rien de tout ce qui a été promis aux campagnes ne réflète le budget national, moi aussi je m'amuse beaucoup quand je regarde les documentaires démagogiques des caravanes et surtout de Kay Pam Klere, si le pays vivait uniquement de lampes rechargeables, je serais un président légendaire. 

Puisque c'est loin d'être le cas, on me remplacera dès demain. Alors chers fils et filles, n'attendez pas qu'un président fasse pour vous, soyez le président de vous-même, de votre famille, de votre environnement, de votre vie. Aucun gouvernement ne vous rendra la vie plus vivable que le vôtre. Et si vous avez bon coeur et vous effectuez quelque c

hose de bien pour votre communauté, même quand cela vous accorde de la popularité, ne vous immiscez pas dans la vie politique, car l'homme y rentre bon, ce sont les rouages qui le corrompt.

Aux jeunes CEO, aux jeunes Coordonnateurs généraux d'associations, ne sous-estimez pas vos travaux, vous rendez plus de services au pays que les dignitaires du gouvernement qui jouissent de tous privilèges. Ils vous feront des offres, ne succombez pas. Vous pouvez être un héros sans jamais faire partie d'un gouvernement. Une fois que vous y fassiez partie, vous serez à la fois le pyromane et le brûlé.

Je ne saurais ne pas dire un mot sur l'actualité, je me sens coupable d'une telle méchanceté, si j'avais mis d'autres loisirs, pour que les jeunes s'adonnent à plus d'activités saines, de l'électricité, des bibliothèques, parc d'attraction, soirées littéraires, salles de théâtre, etc, il se pourrait que cette jeune fille qui aurait pu être la mienne ne subisse pas une telle perforation, la communauté internationale me faisait pire et fait encore pire à Haïti.

Se donner la mort est toujours acte de lâcheté, sauf dans mon cas. Et j'invite tous ces députés, sénateurs, ministres et toutes autres personnes ayant un pouvoir de décision néfastes, qui appauvrissent le pays à prendre conscience, de s'armer de courage et de faire de même. Ainsi, on appelera ça, la Caravane de suicide des destructeurs d'Haïti. Le pays  pourra enfin respirer de bonnes bouffées d'air. 

Soyez rassurés, me suicider ne faisait pas partie du plan et ne pleurez pas ma mort, elle était douce et facile, je ne mérite pas vos pleurs non plus.

PS: Trouvez en annexe un document de 20.000 pages divulgant des dossiers honteux, ainsi que les noms de quelques uns de nos destructeurs, si vous ne le trouvez pas, sachez que le premier ministre sera le premier sur les lieux, il aura qui sait, modifié la lettre pour cacher de tristes vérités, mais j'avais mis l'histoire du monde en cc, le temps vous révelera tout.

Pierre Hugo Raymond

Plume qui parle.