Un dispositif palliatif aux problèmes de stage que confrontent les Etudiant(e)s de l’UEH
L’université, haut lieu de
recherche et d’enseignement supérieur, de par sa fonction inhérente consistant
en la formation des intellectuels et des cadres techniques dont la société a
besoin, participe incontestablement dans la reproduction sociale de celle-ci. Elle
ne s’exerce pas dans un vide historique, social, économique et culturel. Ceci dit,
l’université tisse un lien étroit avec la société et remplit sa mission en
fonction des époques et des circonstances. Ses activités doivent, de toute
façon, répondre aux défis de la société qui l’a vue naitre. Dans le cas d’Haïti,
ce postulat fait écho dans les dispositions transitoires du 21 février 1997 ;
lesquelles dispositions régissent l’administration et le fonctionnement de
l’Université d’Etat d’Haïti (UEH). L’une des missions dévolues à cette dernière
par ce cadre légal consiste à: « veiller
à ce que les Etudiants soient soudés à la réalité nationale par leur
participation effective aux projets de développement notamment au moyen de stages, services civiques
étudiants, temps de résidence obligatoire dans un champ d'application conforme
à l'orientation professionnelle. »
Fort de cela, dans la plupart des
11 entités constituant l’UEH, le stage professionnel est au rang des cours que chaque
étudiant doit, entre autres, réussir pour avoir droit à son diplôme. Malheureusement,
il y a toujours un hic quand il s’agit pour ces étudiants de trouver une
institution où il faut réaliser son stage. L’UEH s’y montre inefficace. Ce qui
provoque d’ailleurs à maintes reprises des turbulences de toute sorte au sein
de cet espace universitaire. Face à ce funeste état de fait, je propose, dans
ce papier, la création de Boutiques de
Sciences comme une voie palliative.
Qu’est-ce qu’une Boutique de Sciences ?
A
la vérité, l’ère du capitalisme ne se triomphe pas sans opérer une fracture
entre science et société. En réponse, la science
ouverte[1]
prône un nouveau contrat entre ces deux
variables en vue d’un système de recherche plus citoyen. Ainsi, du nombre de
ses fondamentaux, on trouve : le rapprochement de la science et la société.
Par quel moyen peut-on donc faire ce rapprochement ? La Boutique de Science, c’en est un. Inventée dans les années 1970
aux Pays Bas par des étudiants et étudiantes ayant décidé de porter leur aide à
des citoyens et citoyennes qui étaient en danger par la qualité de l’eau d’un lac, elle
est un dispositif de médiation entre science et société. En quoi consiste cette
médiation ? Dans un entretien avec Olivier Leclerc, Florence Piron[2],
qui, faut-il préciser, a déjà doté l’Université Laval d’une Boutique de Sciences, rend compte de
cette médiation en soulignant que ce dispositif, généralement intégré à la
structure d’une université, permet à celle-ci de desservir la population du
pays dans lequel il s’insère « en faisant travailler ensemble non
seulement des organismes de la société civile, mais aussi des étudiants et
étudiantes ». Une idée brillante constitue sa base, nous enseigne Florence
Piron. « La Boutique de science invite des étudiants et étudiantes à
réaliser gratuitement, dans le cadre de leur formation, de leur programme
d’études, des projets de recherche ou des projets pratiques en réponse à des
besoins exprimés par des associations de la région desservie par
l’université. »
Pourquoi avoir des Boutiques de sciences à l’UEH ?
Un
projet de création de Boutiques de
Sciences à l’Université d’Etat d’Haïti ne saurait être anodin. Il est des
conditions objectives qui justifient son bien-fondé. En effet, ce projet est
une réponse concrète à au moins trois problèmes d’importance. Trois problèmes
qui ne sont pas mutuellement exclusifs ; qui sont donc inter reliés.
Le premier concerne l’une des missions
classiques et précises des universités : la Recherche. A dire vrai, il
serait un épais mensonge de considérer que l’UEH réussi convenablement à
répondre à cette mission. On a même l’impression que, dans la gouvernance
universitaire qui prévaut à l’UEH, ladite mission est envoyée au rebut. Dans ce
contexte, ce dispositif que représente la Boutique
de sciences s’avère un choix crucial. Car, il s’agit d’un outil opératoire
de recherche-action se portant sur des besoins réels liés aux vécus quotidiens
de la population. Donc, systématiquement et de manière concrète, par le biais
des boutiques de sciences, l’UEH
serait en mesure de répondre aux grandes questions de l’heure et de contribuer,
par ricochet, à frayer la voie aux générations futures.
Le
deuxième problème : outre la mission de recherche, l’Université d’Etat
Haïti doit normalement réaliser du « service à la communauté ». La
mise en œuvre de ce dernier peut être convenablement passée par les boutiques des sciences. D’ailleurs,
faute d’infrastructures, c’est au rabais que l’UEH accomplit cette tâche. Pourtant
ce dispositif proposé ici, constitue, comme le note Florence
Piron : « une manière concrète, efficace qui a fait ses preuves,
de mettre les compétences et connaissances disponibles dans une université au
service des projets et des besoins des organisations de la société civile qui
n’ont pas d’autres ressources, à la différence des entreprises et des
municipalités qui peuvent engager des consultants, par exemple. » Dans ce
cas, il est légitime de considérer cet outil comme un cadre participatif des
universitaires au développement local
durable.
Le
troisième problème concerne la difficulté que confrontent les étudiants de l’Université
d’Etat d’Haïti à réaliser leurs stages, faute d’infrastructures encore une
fois. Haut et fort, et sans crainte d’être désavoué, je défends, comme voie
palliative, la création de boutique de
sciences où chaque année, sous l’assistance des enseignants, une centaine
d’étudiants stagiaires, non pas dans une logique de bénévolat, peuvent réaliser
leurs stages professionnels en collaboration avec des organisations de la
société civile dans l’exécution de projets répondant à des problèmes de la
société. La Boutique de sciences n’est
pas donc extérieure à l’université. Elle s’inscrit dans le cadre des programmes
universitaires de l’UEH et représente un espace académique où les étudiants
font l’exercice d’application dans la réalité concrète des multiples
connaissances théoriques et méthodologiques qu’ils ont accumulées durant leurs
années d’études. Autrement dit, il s’agit d’un cadre académique où les
compétences des étudiants sont mises en épreuve dans l’exécution de projets de
recherche dont les sujets sont proposés par les membres de la société civile
et/ou par l’Etat. Pourquoi pas ?
L’utilité
des Boutiques des Sciences à
l’Université d’Etat d’Haïti n’est pas donc à inventer. La gouvernance
universitaire connaitra une dose d’efficacité en adoptant ce choix de mise en
œuvre de ce dispositif se voulant être un lieu de rencontre entre la société et
les universitaires qui, d’ailleurs, ne nécessite pas une fortune. Par voie de
conséquence, c’est un grand moyen de combattre le fossé entre université et
société. Du reste, ce plaidoyer dénote aussi la nécessité d’une Politique Nationale de Recherche
Scientifique qui, d’ailleurs, peut être, entre autres, opérationnalisée par
les Boutiques de sciences.
A
la vérité, il est suicidaire d’attendre que le risque se matérialise pour
commencer à agir. Agissons donc maintenant !!!
Rency Inson
MICHEL
Etudiant à l’UEH
[2] Voir : Savants, artistes
citoyens: tous créateurs ? https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/touscreateurs/chapter/ouvrir-la-science-pour-mieux-la-partager/
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