Le projet de « Les Classiques des Sciences Sociales » pour Haïti : un feu à charbonner
L’année de 1993 a vu venir au monde cette grande
bibliothèque numérique qu’est « Les Classiques des Sciences Sociales [www.classiques.uqac.ca/] » qui, aujourd’hui, soit 24 ans
plus tard, a un bilan ayant le mérite d’être vanté. En effet, elle constitue
présentement un réservoir contenant près
de 7.000 œuvres de philosophie et de
sciences sociales que tous les chercheurs, étudiants, universitaires… peuvent
consulter et télécharger sans avoir besoin de délier les cordons de la bourse. Le
niveau d’achalandage de son site est rare : le nombre des ses visiteurs différents a atteint pour l’année
2016 la barre de 1 283 303. De 2003, année de sa création, à 2015, 47 812 076 téléchargements s’y opèrent
déjà. La singularité de ce prestigieux outil pédagogique réside dans le fait
qu’il se veut une arme de lutte contre les injustices cognitives que subissent
les savoirs et les chercheurs du Sud. Sur ces entrefaites, un regard spécial
est porté sur Haïti : une sous-collection consacrée exclusivement à la
diffusion des savoirs d’Haïti, _qu’ils soient en créole ou en français _, est
donc créée. Elle porte le nom de « Etudes
Haïtiennes http://classiques,uqac.ca/contemporains/etudes_haitiennes/etudes_haitiennes_idex.htlm » et est dirigée par un grand modèle
de la jeunesse haïtienne : Ricarson DORCE.
La création de cette sous-collection a, sans surprise,
déclenché l’emballement des étudiants d’Haïti et a trouvé leur assentiment. En
outre, notons qu’un espace dédié particulièrement à la diffusion de mémoires d’étudiants haïtiens est aussi
créé. Dans ces conditions, il est un fait avéré que « Les Classiques des Sciences Sociales » s’offrent aux
universités d’Haïti comme une propriété agissante dans le champ scientifique qu’elles
se doivent de mettre à profit. Plusieurs étudiants haïtiens semblent s’en
rendre compte. A preuve, Djedly Francois JOSEPH, un jeune étudiant en Sciences
Politiques au Campus Henri Christophe de Limonade proclame
que : « l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) doit compter
nécessairement sur l’appui de « Les
Classiques des Sciences Sociales » pour mieux entretenir les espaces
universitaires auxquels revient la grande tache de produire des savoirs
efficaces. » Il retrouve donc un
jeune diplômé en philosophie à l’UEH, Wood-Mak PIERRE, qui soutient vertement
que : « les Classiques des
Sciences Sociales constituent une sorte de remède à la carence en
documentation à laquelle confrontent les étudiants d’Haïti. Ainsi,
poursuit-il, L’UEH se doit de prendre cet outil comme point d’appui en matière
de documentation. » Il est à croire que ce regard spécial sur Haïti
représente donc un coup de tonnerre dans un ciel serein.
Il s’ensuit que plus d’une trentaine d’étudiants haïtiens
ont entré dans cette danse orchestrée par Les
Classiques des Sciences Sociales. Ils ont donc compris la nécessité de
charbonner le feu que représente ce grand patrimoine sur la terre d’Haïti. A en
croire l’un d’eux, Myster Way JEAN-BAPTISTE, étudiant finissant en psychologie
à l’UEH, « à l’heure actuelle, dans le contexte du capitalisme cognitif,
choisir d’orienter ses efforts dans une bataille contre l’injustice cognitive
est vraiment noble et mérite le soutien de tous ceux qui croient que l’inégalité
de chances devant l’éducation est à bannir ». Dadjena VOLCY, étudiante en
Sciences Politiques au Campus de l’Université Henri Christophe, abonde dans ce même
sens quand elle déduit que : « Les
Classiques des Sciences Sociales représentent pour les jeunes étudiants haïtiens
un élément palliatif au problème de marchandisation du savoir auquel ils
confrontent. » Etant mus dans cette conviction citoyenne et d’élan de
justice, ils ont créé en mars 2016 un organisme qui est, depuis le mois de juin
dernier, dument enregistré au Ministère des Affaires Sociales et du Travail
(Haïti) au No STW-26992, et porte le nom de Réseau des Jeunes Bénévoles des Classiques des Sciences
Sociales, ayant donc pour sigle : REJEBECSS [http://projetsoha.org?page_id=1221].
L’une des principales ambitions qui constituent le ciment de la philosophie des
actions de ces jeunes étudiants haïtiens consiste en la diffusion massive du
patrimoine intellectuel de leur pays en libre accès. Il y a lieu de souligner
qu’il s’agit là d’une intention d’éléphant heurtée par des moyens de fourmis.
Mais à cœur vaillant, rien d’impossible !
Il importe de noter que, _ dans un langage leibnizien _,
dans leurs discours consistant en un « art d’estimer les
vérisimilitudes », c’est-à-dire, anticiper objectivement l’avenir,
l’avenir de Les Classiques des Sciences
Sociales en Haïti, ces jeunes étudiants militants parient sur une salle de
travail bien équipée (scanners professionnels, computers, logiciels…) et, _ pour
citer particulièrement Dadjena VOLCY_, des séances de formation adéquates, pour
faire de cette prestigieuse bibliothèque numérique l’une des plus grandes
références en matière de conservation, de gestion et de valorisation des études
haïtiennes. C’est clair comme deux et deux font quatre que la pauvreté en
documentation qui qualifie les centres universitaires d’Haïti et les injustices
cognitives desquelles sont victimes les savoirs et chercheurs de ce pays
constituent pour ces membres de REJEBECSS une pilule qui est dure à avaler et leur
font se dresser sur leurs ergots. Ainsi, à noter que le Collectif SOHA (Science
Ouverte en Haïti et en Afrique francophone [www.projetsoha.org]), dirigé par la professeure Florence PIRON, vu son engagement dans la
lutte en quête de justice cognitive, accorde manifestement sa bénédiction à ces
jeunes militants de la science ouverte.
Au bout du compte, Djedly Francois JOSPEH enfonce une
porte ouverte quand il déclare que : « Les classiques des Sciences Sociales est une meilleure voie pour un
meilleur développement cognitif. Avoir accès à des documents, c’est plus
qu’extraordinaire, avantageux pour nos recherches et notre
apprentissage. » Wood-Mark PIERRE rend aussi hommage à cette grande figure
socialiste anarchiste proche de Proudhon et Saint Simon, à savoir Jean-Marie
TREMBLAY, en ces mots : « Le travail du PDG de Les Classiques
des Sciences Sociales est similaire à celui d’un écologiste. Si ce dernier
protège la nature contre la pollution, professeur TREMBLAY protège la science
contre la marchandisation.» Le professeur nous livre ses principales
motivations dans cette aventure à laquelle il s’adonne depuis 23 ans quand il
précise qu’« on ne fait pas tout cela pour soi, c’est pour permettre au
plus grand nombre de s’épanouir, en accédant aux outils de compréhension et
d’analyse. Et nous (lui et les membres de REJEBECSS), comme des boulangers qui
aiment le pain qu’ils font lever à mettre la main dans la pate. Non pour son
profit personnel, non pour notre gloire personnelle, mais pour l’épanouissement
du plus grand nombre ».
A la jeunesse
estudiantine haïtienne de s’engager davantage !
Rency Inson MICHEL
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