Bon vent…
Nous sommes quelque part à Montréal, un jeudi matin. Ma montre affiche 9 h 10. Assis sur mon lit, près de la fenêtre, j’admire les bourgeons qui donnent un avant-goût du paysage coloré qui ornera bientôt la cour de la maison. Pour ajouter à l’ambiance zen du moment, une adaptation de « Si », le poème de Rudyard Kipling, joue en arrière-plan. Ce poème, d’une beauté et d’une profondeur inégalable, je l’ai découvert en classe de troisième secondaire, grâce à mon professeur de littérature française. Ce texte dégage une tendresse humaine qui permet à notre âme de s’élever, même dans les moments plus difficiles. J’ajouterais que tout homme, qui aspire à la grandeur, devrait être capable de réciter« Si », par cœur.
Dehors, il pleut
des cordes. Un signe annonciateur du printemps qui s’installe petit à petit. Le
temps pluvieux ne me contrariait pas du tout, bien au contraire ! En fait, tout
allait bien jusqu’à ce que la sonnerie du téléphone me ramène à la réalité. À
l’autre bout de la ligne, notre amie Faïka voulait prendre de tes nouvelles.
Sur le coup, je n’ai pas trouvé quoi lui répondre. Comment lui expliquer que je
ne sais pas comment tu vas, vu qu’une année complète a passé depuis la dernière
fois qu’on s’est parlé ? Comment lui annoncer que nous ne formions plus un
couple depuis un peu plus de deux ans ? Nous étions tellement bien ensemble que
personne ne croyait qu’un jour nous partirions, seul, chacun de notre côté.
La vie unit,
puis sépare les gens comme bon lui semble. On ne peut rien faire d’autre que de
se courber aux caprices du destin.
Si…
Si un jour
quelqu’un m’avait dit que nous allions nous séparer et que cette séparation
allait avoir autant d’impact dans ma vie, je n’y aurais pas cru. Pourtant, de
notre rupture à ce jour, je n’arrive toujours pas à complètement faire le deuil
de notre relation. Nous nous étions promis de rester soudés et d’affronter
ensemble les intempéries de la vie. J’étais loin de me douter qu’une telle fin
nous attendait. Je n’étais pas du tout prêt à vivre ça ! Je ne m’étais jamais
imaginé partager ma vie avec une autre personne. Alors que j’écris ces lignes,
je ne le conçois toujours pas.
Pendant les moments difficiles, contrairement à ce que l’on s’était promis, nous avons opté pour les reproches. Nous avons privilégié les dialogues sourds et les mots blessants au détriment d’échanges sains. Au lieu de nous entraider au milieu de la tempête, nous avons préféré le sauvetage individuel pour satisfaire notre ego.
Si j’avais su…
L’appel avec
Faika a toutefois pris un tournant quelque peu inattendu et dont je ne me
serais jamais douté. Moi qui croyais larguer une bombe en lui parlant de notre
rupture, je me retrouvai très vite assis sur une mine antipersonnel. Ainsi,
juste avant de raccrocher, elle m’a annoncé que tu venais de mettre au monde un
joli garçon. Cette nouvelle, qui dans d’autres circonstances serait joyeuse,
m’a plutôt infligé une vive douleur en me blessant jusqu’au plus profond de mon
être.
Ce que j’ai
trouvé de plus désolant et décevant, c’est que Faika a mis abruptement fin à
l’appel, possiblement parce qu’elle anticipait la myriade de questions qui
auraient suivi. Peut-être a-t-elle jugé que la tâche de me révéler l’identité
du père de l’enfant ne lui revenait pas.
Si j’avais pu…
Aucun mot ne
peut exprimer ce que j’ai ressenti après cet appel. J’étais effondré. Je
n’étais plus moi-même. J’ai eu l’impression de me retrouver dans la peau d’un
homme qui venait de perdre toute sa famille dans un tremblement de terre.
Qu’avais-je fait pour mériter une telle sentence ?
Pendant les
interminables minutes qui suivirent, j’ai beaucoup repensé aux beaux moments
que nous avons passés ensemble. J’ai songé aux souvenirs inoubliables, que nous
avons créés lors de nos séjours à Cap-Haïtien, spécialement notre dernier
Week-end à Labadie où nous avons passé toute la nuit au bord de la plage à
écouter de la bonne musique. Deux ans plus tard, malgré tous les efforts
colossaux pour t’oublier, je n’y arrive tout simplement pas. Comme l’a dit
l’autre, le plus difficile ce n’est pas de trouver la vérité, mais d’être
capable de l’accepter et de vivre avec.
Si…
Ce billet est
sans doute le plus ardu qu’il ne m’a jamais été donné d’écrire. Tellement, que
je ne sais même pas comment le finir. Je suis un homme tenace et persévérant
qui ne supporte pas la défaite, mais à ce stade-ci, je prends conscience que
plus rien n’est possible. Je reconnais qu’il faut certaines fois accepter la
défaite afin de rebrousser chemin avec beaucoup plus d’enthousiasme.
Je ne sais pas
si tu auras la chance de lire ce billet, mais si le hasard fait qu’il passe
sous tes yeux, je veux que tu saches que je t’aime, malgré tout. Je t’aime
encore, mais différemment. Je t’aime assez pour lâcher-prise. Peu m’importe
avec qui tu choisiras de partager ta vie, l’important, c’est que tu sois
heureuse. Je te souhaite d’avoir trouvé l’amour de ta vie et qu’avec lui tu
puisses élever ton enfant dans un cadre idéal. Je prie pour qu’il t’offre tout
ce que je n’ai pas su et ce que je n’ai pas pu t’offrir.
Avant
d’officiellement lever l’ancre, je tiens à te remercier pour tout ce que tu as
apporté dans ma vie. Je te souhaite un bon vent et beaucoup de succès dans ta
vie et tes projets.
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