À la croisée des chemins
Le départ de Duvalier, le 7 février 1986, marque la fin de la dictature dans le pays. Une nouvelle porte s’ouvre alors sur le concept de démocratie, un régime censé créer un contexte idéal à l'amélioration des conditions de vie de la population ainsi que la participation des citoyens dans la gestion de la cité. 30 ans plus tard, pour toutes sortes de raisons, la classe dirigeante n’est pas parvenue à mener le pays vers une normalisation démocratique. Différentes voies ont été empruntées pour accéder au pouvoir : élections, coups d'État, négociations, compromis. Il n'a pas encore été possible d'arriver à la stabilité politique et institutionnelle nécessaire au développement du pays. Encore à ce jour, le processus électoral est un échec.
Photo credit: Hector RetaMal |
Depuis trois décennies, Haïti observe des acteurs politiques qui se heurtent à toute sorte d'impasses politiciennes. Les citoyens se lèvent, chaque jour, dans l'incertitude totale, se demandant de quoi demain sera fait. Les rares manifestations ou revendications n'obtiennent guère de résultats concrets. De jour en jour, le pays se dégrade. La pauvreté, la misère et la corruption sont devenues, pour le peuple, les seules références. La crise des médecins résidents, les inondations à Petit-Trou-de-Nippes, la dépréciation de la gourde ne sont que quelques exemples qui nous montrent à quel point nous sommes déchus en tant que nation.
Après 4 ans sans élections, 2015 se voulait une année électorale permettant l'arrivée d’un nouveau président et d’un Parlement. Elle aura plutôt été marquée par une crise électorale sans précédent qui a fait mentir toutes les prévisions politique et économique. Actuellement, nous avons droit à un parlement avec une légitimité réduite, des parlementaires mal élus, un président provisoire élu au second degré grâce à un accord vide de sens pour lequel il n'existe pas d'harmonie entre le temps constitutionnel et le temps électoral. Selon l’Accord politique, le président provisoire a comme seul mandat de planifier les élections de son successeur dans la poursuite du processus électoral. Quel processus électoral? Celui-là même qui est contesté par la majorité des secteurs de la vie nationale. Cédant sous la pression, la présidence s’est vue dans l’obligation de mettre sur pied une commission indépendante de vérification électorale. Cette commission, qui nous a appris que l'électorat comptait plus de morts que de vivants, demande l’annulation des élections présidentielles et non des élections législatives et locales. Ah bon! Cela veut dire les morts avaient voté seulement vote pour les candidats à la présidentce? Quelle farce!
Messieurs les commissaires, s’il est vrai que le vote des morts est plus nombreux que celui des vivants, à qui doit-on cette fraude? Les coupables sont-ils déjà derrière les barreaux? Messieurs, la Nation attend que vous rendiez des comptes! Comment les organisateurs de ce fiasco électoral peuvent-ils, en parlant avec arrogance, continuer de vaquer tranquillement à leurs occupations dans le pays? Il n’est pas du tout normal que les anciens responsables de la machine électorale décident de foutre en l’air $76 millions de dollars des contribuables, sans exprimer le moindre sentiment de honte!
Photo Credit: Hector Retamal |
Le 14 juin prochain marquera la fin du mandat du président provisoire, son excellence Jocelerme Privert. La question est déjà sur plusieurs lèvres. Doit-il partir ou doit-on prolonger son mandat jusqu'en février 2017? Aujourd’hui, la décision de prolonger ou non le mandat du président repose entre les mains de l'Assemblée nationale. La survie du Parlement dépend, en partie, du président de la République et des négociations qui seront faites... avant le 13 juin. Toutefois, monsieur Privert a une carte intéressante dans son jeu. La majorité, qui le soutient au Sénat, peut décider de bouder l'Assemblée nationale du 13 juin. Ce qui aura comme résultat le prolongement des vacances de la chambre des députés. Il est à noter que pour éviter de se retrouver avec un Sénat dysfonctionnel en 2017, un tiers des sénateurs actuels doit partir à la fin de l'année alors que plusieurs candidats au sénat attendent le second tour des élections pour entrer en fonction. Haïti est à la croisée des chemins. La situation nous pousse à une réflexion globale. Que faire pour retirer Haïti de cette crise institutionnelle pour qu’advienne cet État de droit démocratique?
Photo crédit: Hector Retamal |
Nul ne peut prétendre avoir la solution toute faite pour éradiquer la crise électorale et politique que vit le pays en ce moment. Il faut assumer nos bêtises du passé et faire en sorte de ne pas les répéter. Impossible d’imaginer de se sortir de cette crise en évitant les sentiers constitutionnels, car la crise ne ferait que revenir sous une autre forme.
Un des scénarii, à la fois bénéfique au peuple haïtien et qui aiderait à résoudre cette éternelle crise institutionnelle, serait de trouver un accord permettant la prolongation du mandat du président provisoire pour une durée de deux ans, avec une feuille de route bien établie. Le mandat du Parlement devrait aussi être d'une durée de deux ans. Pendant cette période, le président provisoire aura pour mission d'organiser une réforme constitutionnelle et de nouvelles élections, de concert avec le parti de l'opposition et les forces vives de la Nation.
Pour enrayer la crise, il revient à l'élite intellectuelle et l'élite économique d'agir à titre de médiateur ou de prendre carrément les rennes des discussions politiques. Le conflit entourant les partis politiques risque de nuire aux discussions menant à l'obtention d'un accord et Haïti ne peut continuer à en payer le prix!
Talmer Kenley
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